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Articles 2018

  • Changement de rails

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    Depuis quelques semaines, je sens mon rapport à l’art changer de rails.

    Jusqu’en juin dernier, ma préoccupation était de peindre et de valoriser ma production en communiquant, publiant, exposant. Cette flamme était activée par le souhait d’être vu, apprécié, reconnu.

    Cette préoccupation a quasiment disparu. Elle s’est réduite à tel point que si j’étais sollicité pour exposer, je réserverais ma réponse, alors qu’il y a quelques mois j’aurais aussitôt accepté.

    D’où ce changement de rails que j’évoque, mystérieux et troublant. Mystérieux parce que je ne connais pas son origine et que je n’ai pas vu l’aiguillage qui m’a fait changer de voie. Troublant par ce qu’il me rappelle, une fois encore, que la réalité l’emporte toujours sur les illusions.

    Quelles étaient-elles ? Je pensais que mon destin était tracé à travers l’exploration personnelle traduite en peinture et le fait de partager mes œuvres à travers mes expositions et mes écrits. Aujourd’hui, je perçois que ce destin ne tenait que par la croyance que j’en avais. Sous prétexte de vouloir absolument sentir ma place dans ce monde, je saisissais celle qui me paraissait la plus plausible et à portée de sensation : je suis artiste peintre, donc je dois peindre et exposer…

    Je fais désormais la part des choses entre être quelque part et me sentir quelque part. Où que l’on soit, à tout moment, on est toujours quelque part. À l’heure qu’il est, je suis en train d’écrire, face à la nature, parfois distrait par un écureuil qui fait ses provisions avant l’hiver. Je ne suis pas en train d’écrire le chapitre d’un livre ou ma prochaine publication sur les réseaux sociaux. Je suis juste en train de taper sur mon clavier, le reste viendra en son temps, selon la réalité du moment.

    Je sens la même nécessité que celle qui m’animait lorsque je peignais. Le plaisir n’est pas dans l’acte de peindre ni dans celui d’écrire. Il est dans le fait d’avancer, d’être en train de faire un pas. Peu importe qu’il soit en avant ou en arrière. Je fais un pas et c’est ce qui me rend vivant.

  • Saison 7 : les mouchoirs sont de retour !

    Akai 1

    Akai - acrylique sur toile - 2m x 1,50m - 2017

    Cette saison 7 de « The Voice » est un rendez-vous que je n’avais pas forcément envie d’honorer. Dans la matinée de ce dimanche 28 janvier, j’avais déjà vécu des moments intenses avec le combat épique entre les finalistes de l’Open d’Australie de tennis et la dernière étape spéciale du Rallye de Monte-Carlo. Peu importe les vainqueurs, c’est l’intensité qui me fait vibrer et des sensations, j'en ai eu à foison.

    C’est presque par hasard qu'une fois le calme revenu je me suis rendu compte qu’hier soir, c’était la première émission de la nouvelle saison de The Voice, que je suis depuis sa création. Chaque année début d'année depuis 2012, il est l’écho de ma progression artistique et de l’évolution de mon rapport à l’émotion viscérale, celle qui prend aux tripes. Qu'en serait-il avec l'édition 2018 ? La seule façon de savoir si la rencontre se fera une fois encore est d'en regarder le replay.

    Comme à chaque fois, je sens quelque chose de différent. Les deux premières années, en 2012-2013, j’étais dans l’admiration du talent des candidats. En 2014 et 2015, j'étais dans l'observation des techniques pour m’asseoir ensuite le plus souvent dans le fauteuil des coaches et tenter de percevoir les raisons de leurs (non-)sélection des différents candidats. Dans cette septième édition, j’ai la sensation de passer successivement des candidats aux sélectionneurs en passant par le public. Je me trouve dans la peau (ou plutôt la tête) du candidat qui chante puis, l'instant d'après, dans celle d'un des coaches qui se demande s'il va sélectionner le candidat puis, en une fraction de seconde, quelque part au dessus du plateau, à observer l'ensemble, l'atmosphère, les ondes qui flottent. Je butine des impressions et des sensations au gré des interprétations, des réactions des coaches, des atmosphères qui surviennent, des instants improbables et de ceux qui font tout basculer. J’ai des rétro-fusées directement branchées sur mon cerveau. Elles me permettent de mettre instantanément la bonne distance par rapport aux individus, aux œuvres et aux situations, selon mon inspiration. Je me sens davantage observateur que les années précédentes. De ce qui se passe de l'autre côté de l'écran mais, surtout, de moi-même et de mes réactions, sans jugement.

    Parmi la douzaine de prestations, deux m'ont particulièrement marqué :

    - Gulan, néo-calédonien de 45 ans, chante une chanson traditionnelle mélanésienne. Le son de la guitare, accordée en open-tuning, est pur, translucide même. La voix, douce, envahit l'espace. Après seulement quelques secondes, Zazie appuye sur le buzzer, sélectionnant l'artiste. L'émotion m'étreint. Florent Pagny choisit le moment où mes tripes se nouent pour, à son tour, se retourner et dire à Gulan "Je te veux dans mon équipe !". Sa famille, présente en coulisses est en larmes, profondément émue par l’interprétation. Sa présence est d’une force exceptionnelle. Il prend l’ascendant sur tout le monde, coaches inclus. On les sent tous petits au moment où le candidat doit choisir celui ou celle qui va l'accompagner pour la suite. Gulan, pieds nus, vêtu d'une simple tunique et d"un turban, les joues couvertes de peintures tribales, ne sait quoi faire ou dire au moment de quitter le plateau. Il semble égaré dans ce lieu mais, pourtant, ce sont les coaches qui semblent les plus gênés. La Présence, avec un grand P, c'est lui, avec sa simplicité et sa sincérité. Il paraît tellement authentique dans ce lieu ou tant de choses sont artificielles. Pas d’effusion avec sa famille lors du retour en coulisses. Gulan impose une distance par le respect qu’il inspire. Un moment unique !

    - Renata a mis le feu au public malgré plusieurs bleuseries, ces moments où les notes dissonnent légèrement, pas fausses mais pas complètement justes non plus. « C’était pas parfait, mais c’était parfait dans l’intention et parfait dans l’émotion », dit Mika. Renata répond : « Je me suis dit : je viens ici pour m’amuser… Du coup, j’ai oublié la justesse, j’ai tout oublié, mais je me suis vraiment amusée ! », nous prouvant qu’en étant simplement soi-même, la personnalité qui transparaît à travers la voix a bien plus d’impact que la technique vocale. Une leçon toujours utile à entendre dans notre monde où le comportement est dicté, et souvent biaisé, par l’obligation de réussir. Renata nous rappelle qu’au moment ultime, le mieux est d’oublier la fin. Penser à l’objectif, c’est cloisonner son énergie. Être dans l’instant, c’est donner à sa personnalité la possibilité de transpercer la plus puissante des carapaces. C’est rendre l’autre curieux et permettre la rencontre. La technique enferme. Parfois aussi la volonté, alors que la sincérité libère et ouvre. Renata a écouté ce qu'elle se disait... pas ce qu'elle voulait.

    Tout cela est très intéressant mais il manquerait quelque chose si je n'avais pas la boite de mouchoirs à côté de moi pour me permettre d'essuyer les larmes que provoquent les bouffées d'émotions. Comme celles qui ont submergé Pascal Obispo lorsque la toute jeune Rebecca interprète sa chanson "Lucille". Ces moments de chavirement laissent des impressions marquantes et rappellent comme il est bon, parfois, de se laisser envahir !