création

  • Ma responsabilité ? Poursuivre !

    Aeolidia br 1

    Aeolidia - Acrylique sur papier spécial - 21x30 - 2015

     

    Mercredi 2 août 2017

    J’ai reçu hier sur mon site internet un message particulièrement touchant. Un téléspectateur qui m’avait vu le jour-même lors de mon passage au jeu Harry écrivait :

    « Après vous avoir vu dans le programme Harry sur France 3 et en toute curiosité, vous sachant peintre, j'ai voulu découvrir votre art.
    Je l'ai fait avec beaucoup de plaisir, j'adore ce que vous faites, c'est bien autrement, c'est bien différent, c'est bien sans connotation, c'est bien véritable, c'est bien intelligent, c'est bien original, c'est bien venant de quelqu’un qui est riche d'imagination et de plaisirs de l'art, vos copies sont excellentes, vos créations le sont bien plus encore.
    …je pense avec toute humilité, que vous devriez et vous le faites depuis cette année, privilégier votre propre peinture elle est une grande peinture. Merci. »

    Le soir-même, je postais un mail en réponse à ce sympathique internaute, le remerciant de ses éloges. En général, je signe mes messages avec mes coordonnées mail et réseaux sociaux, sans laisser mon téléphone. Sans y avoir prêté attention, j’avais cette fois-ci omis de supprimer le numéro de téléphone de ma signature. Je m'en étais rendu compte plus tard, en rédigeant un nouveau message. Mercredi soir, rentrant d’une longue journée passée à l’extérieur, je reçois l’appel d’un numéro inconnu. Contrairement à mon habitude, je décroche. Mon interlocuteur se présente et je reconnais le nom de l’auteur du message si élogieux auquel j’avais répondu la veille.

    « Vous m’avez laissé votre téléphone, alors j’ai appelé. J’ai d’abord hésité à le faire et puis j’ai senti qu’il était nécessaire pour moi de vous parler, de vous entendre ». Nous avons beaucoup discuté. Très peu de technique et beaucoup à propos de ressentis et de posture.

    « À vous écouter, vous me révélez qui je suis. Vous exprimez des choses que je ressens et dont je n’avais pas encore pris conscience ». Mon interlocuteur est peintre, depuis une quinzaine d’années. Il sait ce qu’est la pulsion créatrice et aussi ce qu’est ne pas avoir envie, ni besoin, de peindre. Il me confie que son père était un excellent aquarelliste. Enfants, avec ses frères et sœurs il s’était essayé à l’exercice difficile de l’aquarelle. « Tu gouaches, mon fils ! » lui disait son père, soulignant ainsi qu’il pensait trop « couleur » et pas assez « lumière ». Il considérait n’être jamais parvenu à pratiquer l'aquarelle de façon satisfaisante. Pour lui, mes aquarelles sur Paris vu de la Seine témoignaient du fait que, contrairement à lui, j’avais compris comment fonctionne cette technique.

    Il était estomaqué de la rapidité avec laquelle j’étais arrivé à faire ma « propre peinture ». Il se considérait jeune dans la pratique avec dix-sept ans d’expérience. Mes cinq petites années représentaient pour lui un trajet fulgurant. Le mot me parlait, évidemment, puisque ma dernière exposition se nommait « Fulgurances ». Lui n’exposait pas malgré les sollicitations de son entourage. Il ne voyait pas l’utilité de le faire dans la mesure où il peignait pour lui, pas pour les autres. Nous avons commencé une discussion sur la question « y-a-t’il artiste s’il n’y a pas public ? ». Je me souviens avoir pensé que cela pourrait représenter un bon sujet de baccalauréat, le prof ajoutant « vous avez quatre heures ! ».

    Mon partenaire de discussion évoqua ensuite l’art vivant, en l’opposant à celui du passé. « Picasso, Cézanne, Van Gogh, Monet sont des maîtres mais ils sont morts. Vous, vous êtes vivant ! » me disait-il. « Ce que vous disiez à la télé de l’art et de votre façon d’être artiste m’a touché et m’a donné envie d’en savoir plus sur vous et sur ce que vous faites. Si l’art est vivant, c’est grâce à des gens comme vous. Pour cela, MERCI ! On parle trop des morts et pas assez des vivants. Vous devriez être davantage exposé et promu ».

    Aïe ! J’oscille entre la gêne d’être mis sur un piédestal et la satisfaction de l’ego. Maintenant, il faut assumer. Je me surprends à m'interpeler : « Tu as choisi la voie artistique, tu es mis en avant par une personne qui a osé prendre son téléphone pour t’appeler sans te connaître et te livrer avec sincérité ce qu'il ressent et qui te concerne… ». Où suis-je maintenant ? Que fais-je là, à discuter avec une personne qui m’encense ? Que puis-je faire de cette expérience ? Ces quarante-cinq minutes passées en sincère compagnie vont m’habiter longtemps et représentent une pierre blanche sur mon chemin. Une pierre lumineuse, visible, qui me dit « Tu es passé par là et ça t’a fait grandir. Maintenant, ta responsabilité est de poursuivre la route ».

  • Transformer l'obstacle

    Je ne sais pas"Je ne sais pas" - Acrylique sur carton toilé - 70x50 - 2017

     

    « Créer, c’est transformer l’obstacle en création ». Cette phrase est récurrente dans les discussions que nous tenons avec Olivier Wahl et mes collègues artistes du Groupement Intensité, auquel je me suis affilié voici presque un an.

    Artips, plateforme qui diffuse 3 fois par semaine un billet retraçant une anecdote à propos de l’art, illustre parfaitement ce propos avec sa publication du jour. Elle évoque l’artiste Sophie Calle et son exposition « Prenez soin de vous », née en 2007.

    Un jour de 2004, Sophie reçoit de son compagnon du moment un e-mail de rupture se terminant par les mots « Prenez soin de vous ».  Emplie de tristesse, elle ne se laisse cependant pas envahir par l’émotion et prend la posture d’observatrice de la situation, considérant la lettre comme si elle n’en était pas la destinataire.

    Elle sollicite alors 107 femmes, choisies en fonction de leur métier, en leur demandant de parler pour elle en portant un regard professionnel sur ce mail. Comment l’analysent-elles ? Quels sont leurs commentaires de danseuse, journaliste, diplomate, sexologue, avocate, joueuse d’échec et représentantes de bien d’autres métiers ? Une marionnette et une poupée de bunraku (théâtre japonais) et un oiseau psittacidé ont même leur mot à dire.

    Le résultat sera présenté sous forme d’une exposition à la 52ème biennale d’art contemporain qui a lieu à Venise en 2007. Y sont mis en scène des textes, photos et vidéos présentant les interprétations reçues par Sophie Calle.

    Quel plus bel exemple peut-on trouver de transformation de l’obstacle en création ? Le résultat est produit sous un format artistique, mais cela n’est-il pas transposable dans notre vie quotidienne ? Lorsque quelque chose nous bloque, nous empêche d’avancer, plutôt que de s’apitoyer sur notre sort ou adopter une posture de résistance, comment peut-on le transformer en création, que ce soit en tant qu’entrepreneur ou artiste mais aussi en tant que parent, conjoint, collaborateur, voisin ou tout autre statut que l'on prend au quotidien ?

  • Défi d’artistes – J3 : Synthèse

    Les murs rien

    Défi d'artistes - "Les murs rien" - Acrylique sur toile - 90x90 - 2017

    J'ai du mal à parler de J3. Pourtant ce fut la journée la plus tranquille des trois, ou devrais-je dire la moins chaotique.

    C'est probablement dû à l'intensité avec laquelle j'ai vécu les 2 premières journées de "Défi d'artistes". En passant du plus haut au plus bas et en ayant, comme je l'ai eue, la possibilité d'observer mes réactions et mes émotions, la suite est médiane, mitoyenne, moins extrême en tous cas que ce qui a déjà été vécu.

    Pour résumer, j'associerais J1 à la découverte (je fais le tour du problème, comment je commence), suivie de la confiance (j'ai compris comment procéder et j'arrive à lâcher prise), puis d'une certaine lassitude (j'ai besoin de récupérer).

    Derrière J2, je mettrais la stupeur (ça ne se passe pas comme prévu), suivie du rejet (je ne me sens pas bien ici, la collectivité me pèse, j'ai envie de fuir) pour terminer par la résignation (j'ai choisi d'être là, j'assume d'y rester).

    J3 me donne une impression de synthèse. J'ai la sensation de vivre J1 et J2 avec moins d'émotion, et même un certain détachement. La collectivité n'est plus un problème : j'arrive à m'isoler. Je n'ai pas envie de peindre ? Ce n'est pas un problème : je sors, je lis, j'écris. Je devrais profiter de tout ce matériel disponible pour permettre l'émergence de la création ? Rien de plus simple ! Il suffit de s'y mettre.

    J'aurais voulu faire une toile d'un mètre sur 40cm, mais il n'y a plus de châssis de cette dimension. Même pas grave ! J'aurais voulu du blanc pour faire mon fond, mais les tubes de blanc sont vides. Et alors ? La création s'invitera à partir de ce qui est disponible : ce sera donc un carré de 90cm de côté et je prendrai de la couleur chair au lieu du blanc. "Les murs rien" émerge de ces manques et c'est très bien comme ça. L'œuvre n'est ni bonne, ni mauvaise. C'est elle qui devait être produite à cet instant avec ces moyens. Elle sera la seule de cette troisième journée.

    Celle-ci se termine par une grande opération de nettoyage. Demain, vendredi, nous faisons l'accrochage.

  • Défi d’artistes – J2 : Je me débats, fatigué

     

    Defi d artistes echo 2

    Défi d'artistes - Echo 2 - Acrylique sur toile - 100x40 - 2017

    J’arrive ce matin dans la lignée (aligné ?) de là où j’en étais hier soir. J’avais su gérer les moments d’adversité ; je devrais savoir le faire aujourd’hui.

    Je retrouve les réflexes de ma « vie d’avant » en identifiant ce qui me paraît urgent et important, en l’occurrence élaborer une réponse au défi du public qui est de « faire l’esquisse du projet artistique le plus fou que vous puissiez imaginer ». Comme la veille, je commence ma journée par ce point de repère en guise d’échauffement.

    Je poursuis l’idée trouvée hier mais plus j’avance, plus ça devient complexe. Dans mon projet, je fais interagir les gens, la technologie, la géographie, les couleurs et le mouvement. Comme hier cette complexité devient plus lourde que stimulante mais bon… je n’ai pas d’autre piste. Je suis dans le marécage, je ne peux rien faire d’autre qu’avancer. Au bout d’une heure, arrivé à saturation, j’arrête le travail pour passer à autre chose.

    Je construis un nouveau châssis rectangulaire pour travailler sur une nouvelle toile. Lors de récentes expositions, plusieurs spectateurs m’ont dit que mes gestes colorés les réconciliaient avec les fonds sombres. Je décide de prendre cette direction pour commencer ma toile. Pour la première fois depuis 4 ans, j’abandonne les couleurs primaires pour choisir un pourpre déjà fait. Je dois être dans une bonne énergie car le résultat me convient. J’enchaîne en préparant une seconde toile et là, tout bascule.

    Alors que j’étais dans ma barque, plutôt tranquille, voguant sur l’océan de la création, je ne m’étais pas rendu compte que mon embarcation prenait l’eau. Je sens que ça penche, j’essaye de rétablir l’équilibre. Mes gestes sur la toile deviennent hasardeux, plus secs, plus courts. La belle énergie dont je parlais plus tôt n’est même plus un souvenir. Je me débats pour ne pas passer par-dessus bord. Avec l’énergie du désespoir, je sens que je surcharge ma toile de gestes et de couleurs. Arrivé à saturation, je déclare ma toile terminée avant de plonger.

    Bon sang, que l’eau est froide !! Comme hier, je sens que « plus rien ne vient ». Mais autant hier je ne m’affolais pas, résolu à laisser passer l’orage, autant là, maintenant, je sens que la panique vient s’ajouter au désespoir. Je ne sais pas na-geeerrr ! J’ai envie d’appeler à l’aide mais je me ravise dans un instant de lucidité. De quoi ai-je peur ? Qu’est-ce qui me pose problème ? Rien n’est grave. Je suis juste dans une situation inconfortable et de plus, je l’ai cherchée. Cette sensation me ramène 5 années en arrière, le jour de ma découverte de l’art abstrait. J'avais alors vécu un moment d'anxiété profonde.

    Je décide de m’aérer. Je me balade dans le quartier (Bonne Nouvelle, Grands Boulevard, y’a pire !), flâne dans une librairie, reviens à la Galerie, prend mon ordinateur et rédige mon article de blog sur « Défi d’artistes – J1 ». En fin de journée, nous débriefons avec Olivier et nos « témoins », qui sont des personnes de notre entourage qui ont accepté d’endosser le rôle du public pour nous aider à présenter notre défi.

    La panique est retombée. J’ai de la compassion pour l’enfant que j’étais aujourd’hui, qui se débattait dans ce qu’il croyait être l’océan et qui n’était qu’une pataugeoire. Je me sens profondément humain, c’est-à-dire fragile, sensible, mais avec une force qui me tient debout. La fatigue est là. Le soir, une fois rentré à la maison, je prends ma tension : 10 / 6. Je ne l’avais jamais vue aussi basse. Une nuit d’un sommeil court mais réparateur devrait me remettre d’aplomb.

     

    Si vous le pouvez, venez demain vendredi 17 février au vernissage, à partir de 18h30, ou samedi 18 / dimanche 19 février de 14h à 19h au « Laboratoire d’exposition », 13 rue de l’Échiquier – 75010 Paris.

    Le public est un élément essentiel de la création artistique par le regard qu’il propose à l’artiste sur son œuvre. Chaque regard est une naissance avec tout ce qu’elle apporte de joie et de partage.

  • Défi d'artistes - J1 : aligné !

    Defi d artistes echo 1

    Defi d'artistes - Echo 1 - 100x40 - 2017

    Je me suis préparé à ne rien espérer, ne rien attendre.

    Nous sommes 7 artistes, tous à des stades différents, avec des histoires différentes. Plusieurs ont une expérience artistique de longue date, certains ont une formation d’architecte, les âges vont du simple au double. Nous passons une bonne heure à nous présenter, citer notre défi, évoquer notre état d’esprit.

    Pour ma part, j’ai l’impression d’être « au milieu ». Je n’ai ni excitation ni inquiétude, ni envie ni rejet. Je me dis que c’est la quiétude mais je me méfie de cette pensée. Je me sens curieux, dans l’observation de ce qui se passe et de mon état intérieur. Le projet choisi par le public est « faire l’esquisse du projet artistique le plus fou que vous puissiez imaginer ». Ça n’a l’air d’enchanter personne mais nous devons nous y soumettre.

    Comme je m’y attendais, je n’ai ni envie, ni besoin de peindre. La tension que j’ai identifiée comme nécessaire n’existe pas. En tous cas pas encore. C’est par le travail sur le défi du public que je décide de commencer cette première matinée. J’ai besoin de repères et cette figue imposée m’en offre un. J’ai une idée que je couche sur le papier. Je commence à dessiner. Je travaille aux antipodes de mes habitudes. Je me retrouve comme 5 ans en arrière, à l’époque où je faisais des petits gestes avec mes petits pinceaux au bout de mes petits doigts. Après quelques dizaines de minutes, je n’y tiens plus. J’ai envie de tout envoyer balader en faisant de grands gestes. Ma soif d’amplitude vient à bout de mon application à travailler sur ce défi. Je me trouve laborieux. Je range tout. Je reprendrai demain.

    Commence alors pour moi une période pas vraiment agréable. À la maison, j’aurais mis un peu de musique, j’aurais flâné sur internet, j’aurais commencé l’écriture d’un article ou répondu à des mails… Mais là, je n’ai rien de tout cela. Je suis debout, les mains dans les poches, le regard dans le vide, ressassant que « rien ne vient ». Je déambule au milieu des pots de peinture, des châssis à construire et de tout le matériel nécessaire pour construire un œuvre. Il y en a partout mais… « rien ne vient » !

    J’ai appris à gérer ces moments. Je ne me dis même pas « patience, Denis ; ça va venir… ». Je suis venu ici me mettre volontairement dans une situation inconfortable et je suis en plein dedans. Je n’avais plus ressenti cette sensation depuis des années. C’est fou comme une pensée négative peut être sclérosante, lénifiante, étouffante. Et pourtant, je n’ai d’autre choix que de l’accepter. Lutter contre ne la fera pas disparaître. Au contraire ! Je me rends compte que lutter renforce la présence adverse.

    Après plusieurs dizaines de minutes à ressasser, le temps est venu d’accepter et de passer à autre chose. Il y a tout ce matériel qui m’entoure : du papier, de la toile, des châssis, de l’acrylique, de l’aquarelle, de l’encre de chine, des crayons de couleurs, des craies, des pastels, des compas, règles et rapporteurs, des pinceaux, des couteaux, des rouleaux, des punaises, un marteau, des tables des chaises, des cimaises et j’en oublie. J’ai tout à coup envie de faire quelque chose de tout cette profusion. Ce serait dommage de ne pas en profiter. La tension disparaît et je choisis de construire un châssis rectangulaire, format sur lequel j’ai toujours eu des difficultés à faire mes « gestes colorés ». Cette activité artisanale me remet d’aplomb. Je retrouve le plaisir que j’avais, enfant, à construire des maisons en Lego ou à emboîter des morceaux de bois pour construire une cabane.

    Tout se passe ensuite très vite. Le châssis appelle la matière colorée qui, elle-même, appelle le geste. La place est à l’action et à… l’étonnement. C’est un indice : la création est dans les parages. Une toile vient puis deux autres dans l’après-midi. Je me sens au bon endroit, à faire ce pourquoi je suis là, tranquillement. J’ai l’impression d’avoir contourné les obstacles par ma persévérance, sans avoir dû lutter. Je sors content de cette première journée. Je me sens « aligné ».

  • Défi d'artiste

    Carton defisv2

    Le 14 février est pour moi un jour spécial. C'est le jour qui me donne une année de plus... bref, c'est mon anniversaire. Eh, oui, je suis né le jour de la Saint Valentin et j'ai le bonheur de célébrer depuis de nombreuses années.

    À tous ceux qui disent que c'est une chance d'être né ce jour-là, je réponds que je ne pense pas que ma vie amoureuse eut été sensiblement différente si j'étais né le 13 ou le 15 février. C'était juste ce jour-là, et ma maman m'a dit que le médecin qui l'avait accouchée n'avait peut-être pas gardé un bon souvenir de ce jour de l'hiver... 1956 : les -25°C qu'il faisait en Isère ce matin-là avaient eu raison de la batterie de sa voiture.

    61 ans plus tard, ce 14 février sera aussi le 1er jour de mon "Défi d'artiste". Cet évènement nous verra, avec 6 autres artistes, ouvrir une fenêtre temporelle de 3 jours dans un espace d'exposition (le "Labo") pour créer. Ce qui aura émergé de cette séquence créative sera exposé dans ce même "Labo" du vendredi 17 février 18h30 (vernissage) au dimanche 19 février 19h .

    Du 14 au 17, donc, chacun des artistes tentera de relever un défi qu'il s'est lui-même fixé. En ce qui me concerne, le fait de définir une date, une durée et un lieu que je vais consacrer à la création va à l'encontre de la façon dont je conçois jusqu'ici l'acte créatif. Depuis un certain temps, je ne décide pas quand je vais peindre. Cela s'impose à moi comme une évidence, au lever, à minuit ou en plein après-midi, assis dans le métro, sur mon vélo ou sur mon canapé, je sens que "c'est maintenant". Le temps de me mettre à l'ouvrage, parfois l'énergie est toujours là, parfois elle s'est évaporée sans que je comprenne ni comment ni pourquoi. Et puis je sens le besoin d'être seul. Je ne pense pas que ce soit une question de pudeur mais plutôt de concentration, car il m'est arrivé souvent de peindre ou dessiner sur le motif, dans Paris, sans être gêné par le regard du public.

    Pour résumer, je vais me mettre le 14 février dans une situation inhabituelle à plus d'un titre : le moment et la durée sont choisis, le lieu est défini et nous serons 7 artistes à évoluer ensemble. Que sortira-t-il du travail individuel de chacun, qui vient avec son propre défi ? Y aura-t-il une influence du groupe sur le travail personnel ?

    Notre intégration au processus créatif individuel ou collectif sera présentée au public à l'issue de ces 3 jours, pendant 3 autres jours, d'exposition cette fois-ci, et qui seront l'occasion de nouveaux défis, entre artistes et public. Ce sera amusant, inattendu et destiné à nous faire grandir ensemble autour du processus de création.

    Je plonge vers cet inconnu sans attente (la création ne peut faire l'objet d'aucune attente puisqu'elle n'existe pas encore) et sans espoir, si ce n'est celui d'avoir suscité la curiosité de mes contacts et touché mon public. Le tout sera sera conduit par Olivier Wahl, dont les habitués du "Labo" connaissent les talents d'animateur pour rendre un évènement vivant et marquant, pour le public comme pour les artistes.

    J'espère donc vous croiser lors de cet évènement original et unique.

  • Anges et démons font la bombe

     

    Below 1

    Below - Acrylique sur papier spécial - 21x30 - 2017

    Créer est pour moi l'issue d'un intense combat. Cette prise de conscience me permet de comprendre pourquoi j'étais jusqu'ici peu à l'aise avec la notion de plaisir lorsque je peins.

    Dans l'imaginaire du public, la pratique des arts plastiques est souvent un loisir, donc quelque chose que l'on pratique avec plaisir puisqu'un loisir est choisi. C'est parfois l'exercice d'un talent, en général reconnu par le spectateur par la beauté qu'il voit dans l'œuvre ou l'émotion qu'elle provoque en lui. Le talent s'exerce avec fluidité, sans effort démesuré, puisqu'il représente par définition un don remarquable ou une aptitude particulière.

    Dans mon processus de création, je ne ressens ni plaisir ni souffrance et ce n'est jamais un problème. Mes créations sont une libération d'énergie, telle une bombe qui explose à un moment impossible à prévoir. Il peut se passer plusieurs mois sans que je touche un pinceau ou un couteau. Dans ce contexte, tous les jours, toutes les heures, à chaque minute parfois, je sens une voix qui me dit : "ça commence à faire longtemps que tu n'as pas peint". Aussitôt une autre voix intérieure répond : "si tu ne peins pas, c'est que ce n'est pas le moment, tu le sais bien. Quand ce sera le moment, tu le sauras, tu le sentiras. Alors patiente !".

    Ainsi, je suis le soldat en alerte, qui guette ses sensations qui le préviennent que la bombe va bientôt exploser. Je me sens aussi comme un médiateur, celui qui permet à l'ange et au démon de trouver un terrain d'entente pour faire sortir le soldat-créateur de son inaction, pour l'envoyer au combat libérateur.

    C'est alors que d'autres créatures prennent le relai et le soldat, armé de son couteau à peindre, doit arbitrer les choix gestuels et colorés : "pas trop de couleur", dit l'une ; "suis ton instinct", dit l'autre ; "fais un geste ample", dit une troisième; "coupe les liens avec le cerveau", sussure une quatrième...

    Laquelle est ange ? Laquelle est démon ? Je finis par m'y perdre. Finalement le talent du médiateur-soldat est de les faire coexister. Le bien, le mal, les anges, les démons, l'imagerie populaire est riche dans ce domaine. Si l'homme social choisit son camp, selon les repères culturels dont il dispose, l'artiste créateur, lui, ne peut prendre parti. Car le démon du moment sera peut-être l'ange d'un autre et vice-versa. Ils sont tous les deux très importants car, sans eux, pas de tension, pas d'énergie, pas d'explosion, pas de libération.

    "Below" n'a pas échappé à ce processus créatif. L'énergie s'était accumulée pendant 3 mois avant sa libération.

  • Jamais où on l'attend...

    Emergence 42715 48

    Emergence 42715,48 - Acrylique sur bois - 27,2x39,3 - 2016

    Dimanche 11 décembre 2016. 11h24

    Depuis une heure, j’écris. Mon atelier était il y a encore quelques heures dans un désordre vivable mais dans lequel je ne trouvais plus ma place.

    Le bureau est désormais visible, éclairci par le rangement d’outils et pinceaux, de papiers administratifs et de chiffons colorés par l’acrylique essuyée sur les couteaux à peindre. J’ai rassemblé des feuilles, cartons toilés et morceaux de bois sur lesquels des bases de travail de gestes colorés attirent mon regard.

    J’ai pu ensuite m’installer, poser mon ordi, mettre de la musique. Elle passe sans transition de la country à la techno. Le son, les harmonies que je comprends rendent ma réflexion plus légère, comme un ballon d’hélium qui me maintient au-dessus d’un trou noir absorbeur d’énergie et de lumière.

    Mon siège de bureau est un peu haut, rendant ma position d’écriture inconfortable. Je me penche sur le côté, baisse ma main vers la colonne qui soutient l’assise et actionne le levier qui permet au siège de s’abaisser dans un court et léger chuintement.

    Et là, avec cette nouvelle position, en levant les yeux, je la vois ! Elle m’attendait sagement depuis plusieurs mois sans que je comprenne qu’elle existait pour être vue. Ma palette, posée verticalement sur le plateau du bureau et contre le mur me parlait en me disant : « Je suis une œuvre ! tu as posé tes couleurs sur moi, tu les as étalées avec ton pinceau ou ton couteau sans chercher à produire quoique ce soit. Sans le savoir, sans le vouloir, tu m'as créée ! ».

    La création n’est pas où je l’attendais. Une fois encore, je suis surpris et l’inattendu me remplit de joie.

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